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Société

Traite des personnes, l’Etat Haïtien face à sa responsabilité

Traite des personnes, voici un nouveau sujet qui ne cesse de bouleverser l’esprit des autorités d’ici et d’ailleurs. Elle désigne le processus par lequel un réseau recrute des personnes, les transporter, les loger ou d’exercer un contrôle ou une influence sur leurs mouvements à fin de les exploiter, généralement à des fins sexuelles ou de travail. Par rapport à la façon dont la pratique de la traite s’exerce, certains la qualifie d’esclavage moderne. On la qualifie ainsi puisqu’elle s’accompagne de maltraitance et d’exploitation de toutes sortes. Cette activité mafieuse ne serait possible, sans existence de réseaux, composés de passeurs. C’est une pratique très courante à travers le monde. Elle Représente derrière le commerce de la drogue, le deuxième commerce illicite le plus rentable. Les nations unies estiment qu’elle génère plus de 32 milliards de dollars américains par an. Cependant, ici en Haïti, on n’en parle presque pas. Peu de gens connait le concept traite des personnes et par quoi il est caractérisé. Et pourtant, elle représente un vrai problème qui ronge la société haïtienne.

Dans un rapport publié par le département d’Etat américain, le 2 juin 2018, repris par le journal le National, Haïti n’a pas fait de progrès dans la lutte contre la traite des personnes en 2018. Toujours selon le journal, Haïti est toujours dans la catégorie 2. Cette Catégorie regroupe les pays qui sont en état d’observation. Le Comité national de lutte contre la traite des personnes, malgré les efforts réalisés n’a pas su empêcher des cas de traite dans le pays. Le cas le plus ressent, connu en Haïti, est celui de Kaliko Beach où plusieurs dizaines d’enfants se retrouvaient au niveau de l’hôtel en train d’exercer des pratiques sexuelles pour le compte de certains étrangers en tournée en Haïti. Au final, ces étrangers, arrêtés, libérés, ont laissé le pays et le dossier reste dans les tiroirs de la justice. Si l’on tient compte du rapport dressé par le Comité national de lutte contre la traite des personnes et celui des organismes œuvrant dans lutte contre ce phénomène, comme l’OIM, Organisation internationale pour la migration, il est clair que la situation n’est pas si simple qu’on le pense en Haïti.

En effet, face à cette triste situation, quelles seraient les meilleures décisions à prendre par les autorités haïtiennes en vue de combattre de manière significative, le phénomène de la traite des personnes dans le pays ?

Considérant que l’ancien Comité National de lutte contre la traite des personnes, dirigé par Ely Thélot, n’avait les moyens pour faire son travail, nous pensons que la première grande décision que doivent prendre les autorités est de: Renforcer la capacité du nouveau Comité National de Lutte Contre la Traite des Personnes(CNLTP)

L’Etat haïtien a crée le Comité National de Lutte Contre la Traite des Personnes. Le 28 mai 2014 a été promulguée la loi portant sur la traite des personnes et publiée dans le journal officiel du pays, le moniteur le 2 juin de la même année. Cependant depuis sa création, le Comité n’a pas su empêcher que le phénomène se multiplie dans le pays. L’ancien Comité dirigé par le docteur Ely Thélot, n’a pas pu empêcher la multiplication des cas de traite des personnes dans le pays. Laissé à lui seul, le Comité ne pouvait pas donner les résultats escomptés, car il n’avait pas non plus un budget pouvant répondre aux différentes exigences. Le nouveau Comité ayant à sa tête, le docteur Frantz TOYO, peut connaitre le même sort que son prédécesseur, si les autorités ne comprennent pas la nécessité de lui conférer un budget d’envergure. Donc, nous pensons qu’il faut renforcer la capacité du Comité National de Lutte Contre la Traite en : a-Augmentant son budget annuel b-Renforçant sa capacité technique-c Mettant dans chaque département un bureau.

La deuxième décision que nous pensons que les autorités doivent prendre est celle de : Renforcer la sécurité au niveau des lignes frontalières

La frontalières représente la porte d’entrée et de sortie de tout Etat. Ici en Haïti, nos lignes frontalières sont exploitées à bon escient par les contrebandiers. D’ailleurs, les économistes l’estiment à plus de 250 millions de dollars américains de perte par ans. Dans un article paru dans les colonnes du journal le Nouvelliste, le 4-04-2018, Daniel Dorsainvil, économiste et ancien ministre de l’économie et des finances soutient aussi la thèse de plus de 250 millions de dollars de perte. Et ce, malgré la mise en place depuis plus d’une année d’une unité de la police nationale, spécialisé dans la protection des lignes frontalières. La Polifront peine encore à apporter de résultats valables dans le domaine de la protection de la frontière. Et cette incapacité n’est pas sans conséquences sur la traite. Car quand le système de contrôle de la frontière d’un pays n’est pas sûr, il est donc en proie à toute sorte de problème. Et celui de la traite ne doit pas être négligé. Comment renforcer la sécurité frontalière ? En manque d’effectif, la police Nationale d’Haïti fait face à de nombreux problèmes. Pourtant il y va de sa responsabilité lorsqu’on parle de sécurité du pays. Nous pensons que si l’on veut que les mauvaises pratiques cessent au niveau de la frontière, il faut : Augmenter la présence policière, Mieux les équiper en matériels, Sanctionner tout policier impliqué dans deals et Redéfinir la politique migratoire. Avec ça, il ne fait pas de doute que le contrôle de la frontière est déjà bien assuré. Et pas sûr que la porte sera toujours ouverte aux passeurs et aux trafiquants.

La troisième grande décision que les autorités doivent prendre est celle de : Sensibiliser la population sur la nécessité de s’impliquer dans la lutte.

La sensibilisation de la population sur l’urgente nécessité de s’impliquer dans la lutte contre la traite des personnes, un pas important que doivent franchir les autorités pour freiner ce phénomène. Aujourd’hui, sensibiliser une population est beaucoup plus facile qu’il n’était vingt ans de cela. Grâce aux nouvelles technologies de la communication, toute la population est interconnectée. Un message partagé sur Whatsapp de nos jours, peut être reçu par des millions de personnes. Donc voyons à tour de rôle les différents moyens que peuvent utiliser les autorités pour atteindre la population dans cette campagne de sensibilisation autour de la traite. Mis à part les réseaux sociaux, il ya Les médias traditionnels. Ici, le concept médias traditionnels fait référence aux plus anciens médias par opposition aux médias sociaux. Les plus connus sont la radio et la télévision. Les autorités doivent s’assurer de la diffusion de spots publicitaires destinés à montrer à la population en quel sens elle peut s’impliquer dans la lutte. Mis à part les spots publicitaires, des heures d’antennes seraient tout aussi importantes pour des émissions spéciales sur la radio et la télévision nationale et d’autres médias privés du pays pour une plus large diffusion des messages de sensibilisation. Ajouté à ces stratégies, nous pensons que les autorités doivent organiser aussi des campagnes auprès des leaders communautaires, les écoles, les églises et la société civile en générale en vue de toucher toutes les couches du pays. Avec ça, nous pensons que la population prendra acte des conséquences de la traite et s’impliquera à fond dans lutte pour l’éliminer de manière définitive dans le pays.

La quatrième décision importante que doivent prendre les autorités haïtiennes est celle : Renforcer la législation relative à la traite des personnes et punir sévèrement les coupables

La loi contre la traite des personnes, promulguée le 28 mai 2014 et publiée le 2 juin de la même année dans le journal officiel le moniteur, précise dans son article 11 que toute personne reconnue coupable de la traite des personnes telle que définie l’article 1.1, commet un crime et est passible de sept (7) à quinze ans (15) ans d’emprisonnement et d’une amende deux –cent mille gourdes à un million cinq cent mille gourdes. Nous pensons que pour un domaine aussi rentable qu’est la traite des personnes, les sanctions à notre avis sont trop faibles. Considérant qu’elle est une infraction aussi grave que le trafic de la drogue, et qu’elle met en cause le droit de la personne, nous pensons qu’il est nécessaire de dissuader tous ceux qui pourraient, éventuellement avoir en tête pareille idée, en augmentant d’abord la peine. Nous pensons que quinze ans est trop peu pour un pareil crime. Un individu coupable de la traite de personne devrait passer au moins 30 ans d’emprisonnement où la prison à vie. Et en fin, quant à l’amende, elle devrait être fixée à un milliard de gourdes. Ce faisant, nous ne pensons pas atteindre l’exagération. Car la meilleure façon de dissuader les criminels dans leurs activités est de renforcer les dispositions juridiques. Mais aussi pour que l’application de la loi soit effective, des séances de formation seraient un atout majeur pour les juges qui, certainement auront à prendre des décisions sur un dossier apparemment nouveau.

La cinquième décision est celle de : Réduire la Pauvreté dans le pays

Haïti est le pays le plus pauvre de l’hémisphère. Cette pauvreté devient de plus en plus criante. Un pays où le taux du chômage augmente au quotidien, nul doute que les jalons sont posés pour que la misère s’installe. Une misère qui souvent est résultat de la non planification familiale. Ne pouvant pas prendre soin de leurs enfants, certains parents se voient souvent contraints de les envoyer à port au prince chez un proche. Communément appelés RESTAVEK, ces enfants en domesticité sont souvent victimes de la traite sous toutes ses formes. En 2009, le nombre d’enfants victimes de la traite à échelle mondiale était estimé à plus 1 200 000, selon l’organisation internationale du travail. Elle explique plus loin que les impacts de la traite sur l’enfant et sur sa famille est très considérable.

Mis à part, les enfants en domesticité, les maisons d’enfants qui pullulent dans le pays sans contrôle de l’Etat et qui reçoivent ces enfants, sont de vraies portes ouvertes pour des cas de traite. Car, les maisons d’enfants, même si certaines sont faites réellement pour aider les parents avec leurs enfants, dans certains autres, les responsables ont bien quelques choses d’autres derrière la tête. En effet, dans un article parue le 12 octobre 2018, dans les colonnes de LOOP NEWS, une agence de presse en ligne, œuvrant en Haïti, nous avions appris que les responsables de l’Institut du Bien Etre Social et de Recherche IBESR, ont procédé, le 5 octobre dernier, à la fermeture de l’Orphelinat « THE GODNESS OF GOD ». Au sein du centre, certains enfants étaient, selon les responsables de l’IBESR, victimes d’abus sexuels.

L’autre paramètre de la question est celle de l’adoption. Face à la misère qui bat son plein dans les familles, certains parents pour avoir un souffle, livrent leurs enfants. On les adopte. L’adoption se révèle une bénédiction pour certains parents qui ne font même pas une idée de la personne à qui l’enfant est conféré. Si certains adoptent par besoin, d’autres par contre adoptent rien que par la volonté de tirer profit de toute sorte de ses enfants. Donc, pour résoudre ce problème, fermer les orphelinats impliqués dans des actes scandaleux ne va résoudre en profondeur le problème. Il n’en sera pas moins pour des mesures contre l’adoption et la domesticité enfantine.

A cet effet, nous pensons qu’il serait important pour que les autorités contrôlent les naissances. Et prendre de sérieuses mesures en vue d’adresser le problème de la misère dans les foyers, puisque livrer les enfants est l’effet d’une cause. La cause n’est autre que la misère qui sévit dans le pays.

La Sixième et la dernière décision que les responsables doivent prendre est celle de coopérer avec les autres nations. La coopération Internationale

Aucun Etat ne peut vivre en autarcie. Les nations le comprennent bien, et même très bien, à un moment où tout est tourné dans une dynamique de mondialisation et de globalisation. Donc ce qui veut dire, certains problèmes deviennent des problèmes communs qui requièrent une certaine coopération de la part des nations. Et le problème de la traite des personnes en fait partie. Combattre la traite des personnes n’est pas seulement une question à dimension nationale. Il faut la regarder comme un phénomène plutôt transnational. Ce qui veut dire pour la combattre de manière efficace, il faut prendre aussi des mesures qui dépassent les frontières. C’est dans cette même ligne d’idées que nous pensons que la coopération internationale peut jouer un rôle important dans la lutte contre la traite des personnes en Haïti. Mais comment doivent procéder les autorités ? D’abord, il faut commencer par reconnaitre que nombreux de ceux qui sont spécialisés dans la traite des personnes traversent la frontière nationale pour s’échapper à la justice. Donc la coopération internationale facilitera l’entraide judiciaire. L’entraide judiciaire permettra que le pays où s’est refugié un coupable après un crime prenne des dispositions en vue d’extrader le criminel pour être jugé selon la loi.

Une telle mesure peut bien apporter sa contribution dans la lutte contre la traite des personnes en Haïti.

En somme, il est une évidence au regard des différents faits avancés dans l’entame du travail, que la traite des personnes est un phénomène bien vivant dans le pays. Avec un rythme croissant, les efforts réalises par les autorités haïtiennes ne sont pas satisfaisants. Etant donné que le problème de la traite des personnes est celui de tous, nous croyons qu’il important que les autorités haïtiennes mettent en applications nos différentes propositions. Des propositions qui sont faites à partir d’un diagnostic du problème. Avec le renforcement de la capacité du Comité national de lutte contre la traite, un bien meilleur contrôle sera réalisé sur tout le territoire national puisque le Comité était un comité de port au prince. Une campagne de sensibilisation de la population est la deuxième chose que nous pensons qui peut aider les autorités dans la lutte. Trop souvent non impliquée, nous pensons que la population à sa touche qu’elle peut apporter mais tout cela doit passer par une vraie campagne de sensibilisation. .

L’Etat doit également se pencher sur le problème de la pauvreté dans le pays. Sans excès, nous ne pensons pas que les autorités peuvent résoudre aussi vite le problème de la pauvreté dans le pays, c’est pour cela que nous employons le verbe réduire. Avec la réduction de la pauvreté, chaque famille aura évidemment, les moyens pour vivre et verra pas le placement de leurs enfants en domesticité comme un moyen de sauvetage. Et comme nous l’avions montré, la domesticité est une porte ouverte également à la traite des enfants, et c’est le cas pour plusieurs

Si les autorités mettent en pratique les différentes recommandations faites, il ne fait pas de doute que dans les prochains mois, le phénomène de la traite des personnes sera en voie de disparition dans le pays. Il y va donc de leur responsabilité de mettre en application ces mesures, si elles veulent combattre de manière efficace le phénomène de la traite dans le pays.

Un travail de Mauryle Azaine en collaboration avec Marie  Edwidge Buissereth

Jean Corvington