Un an après la mise en place du Conseil Présidentiel de Transition, le bilan se présente comme un réquisitoire sévère envers une élite politique qui a transformé les attentes de changement en drame national. Issue du bouleversement causé par la chute d’Ariel Henry, cette transition atypique s’est vite transformée en la scène d’une trahison complexe et sanglante visant les aspirations du peuple.
Dès sa conception, cette transition était vouée à l’échec. Les groupes politiques qui se sont alliés pour écarter Ariel Henry ont rapidement dévoilé que leur alliance n’était qu’un écran pour cacher des ambitions personnelles démesurées. Le pouvoir du ventre. À peine arrivé au pouvoir, ces acteurs se sont lancés dans une bataille acharnée pour accaparer les maigres ressources et les postes d’influence, remplaçant l’opportunité de reconstruire le pays par une mêlée politique.
Au cours de l’année passée, une stratégie particulièrement détournée de certains politiciens opportunistes s’est dessinée : donner une légitimité politique aux groupes armés en les incorporant en tant que partis politiques. Cynique ! Poursuivant leurs profits personnels, ces acteurs ont engagé des discussions secrètes avec les gangs, offrant une reconnaissance politique en échange de soutien. Ce compromis moral, orchestré par des politiciens honni par le peuple, a non seulement augmenté l’influence des groupes criminels sur le territoire, mais a également fait échouer la restauration de la légitimité de l’État.
Le plan initial du Conseil portant sur le rétablissement de la sécurité, la planification des élections et la réalisation d’un référendum constitutionnel s’est effondré devant les intérêts politiciens. La sécurité, loin d’être rétablie, s’est détériorée de façon bouleversante, avec au final un contrôle terrifiant des gangs sur de plus grandes zones de la Capitale désormais partitionnée en zones criminelles. Les enlèvements, les assassinats et divers abus prolifèrent accentuant encore plus cette violence que le CPT ne semble ni enclin à arrêter ni capable de le faire.
Le processus électoral, fondement de toute transition démocratique, s’apparente désormais à une illusion reportée indéfiniment. Les désaccords internes au Conseil, les manipulations et l’absence flagrante de résolution politique ravivent cette promesse d’élections en un moyen pour prolonger un pouvoir illégal devenu de plus en plus illégitime et criminel. Le projet du référendum constitutionnel a été quant à lui délibérément jeté aux oubliettes, victimes d’intérêts personnels primesautiers.
Les proportions atteintes par la crise humanitaire en développement dantesque relèvent d’une catastrophe majeure provoquée. L’absence de services publics clés, une éducation gravement mise à mal, une insécurité alimentaire écrasante, et la destruction du système de santé pointent vers un désastre social inédit. Coincé comme dans une cage, le peuple haïtien subit cette hydre transitionnelle pervertie, ses conditions de vie empirant vis-à-vis des meneurs querellant pour les dernières bribes de l’État détruit.
La responsabilité de cette débâcle intéresse aussi la communauté internationale dont les interventions désordonnées et atermoiements n’ont fait qu’enliser davantage la situation. Leur soutien ondoyant et incapacité à forger une stratégie consistante ont doublé la mascarade omniprésente dans cette transition.
L’échec de cette transition révèle une vérité fondamentale : la crise haïtienne n’est pas simplement politique ou institutionnelle, elle est profondément morale. La classe politique, en pactisant avec les forces destructrices qu’elle prétendait combattre, a démontré son incapacité à transcender ses intérêts personnels pour servir le bien commun. Cette trahison des idéaux de changement et de reconstruction nationale marque peut-être la fin d’un cycle politique et appelle à une refondation complète du contrat social haïtien.
Après un an de cette transition catastrophique, l’urgence n’est plus aux replâtrages institutionnels ou aux compromis bancals, mais à une rupture radicale avec un système politique qui a fait la preuve de sa nocivité. Sans cette rupture, sans l’émergence d’une nouvelle génération politique porteuse d’une éthique de responsabilité et d’un véritable projet national, Haïti risque de s’enfoncer davantage dans un chaos dont l’horizon de sortie s’éloigne chaque jour un peu plus.
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