Noyée dans la prétendue guerre contre les gangs, la guerre contre la faim ne préoccupe plus les dirigeants haïtiens. Alors que plus de la moitié de la population est en situation d’insécurité alimentaire, la production agricole ne fait plus partie des priorités.
Les changements récents introduits par le gouvernement dans le Budget rectificatif ne sont rien de plus qu’une vitrine, régulièrement manipulée pour maintenir dans l’ombre l’exclusion des agriculteurs et des individus dépendant de notre production agricole pour assurer leur subsistance.
Dans le « budget de guerre », 12,6 milliards de gourdes ont été alloués au MARNDR, avec 10,3 milliards dédiés aux investissements.On pourrait se réjouir de l’augmentation notable de l’enveloppe dédiée aux investissements dans ce secteur. Toutefois, celle-ci semble davantage être une tactique visant à apaiser quelques alliés politiques opportunistes, dissimulés dans l’ombre, qui menace de faire éclater le pouvoir interimaire s’ils ne reçoivent pas les ressources essentielles pour préparer les prochaines élections
Investir dans le secteur agricole, tel qu’il existe aujourd’hui, nécessite que l’État s’engage pleinement à éliminer les groupes armés. Toutefois, il semble peu enclin à le faire, car ces groupes participent à maintenir une transition politique indéfinie qui avantage les dirigeants actuels et les acteurs économiques les soutenant.
Augmenter le financement du Ministère de l’Agriculture ne suffit pas; il faut aussi créer un environnement sécurisé propice à la production. Actuellement, de nombreuses zones agricoles sont sous le contrôle de bandes armées, contraignant les producteurs à fuir et l’État à reculer. C’est notamment le cas dans l’Artibonite, grenier naturel essentiel du pays.
La campagne agricole printanière n’a pas été planifiée et s’avère déjà compromise. Les engrais, les équipements et le matériel nécessaires manquent cruellement. De plus, même si nos courageux petits producteurs arrivaient à redresser cette situation délicate, les groupes armés restent un obstacle majeur en leur coupant l’accès aux marchés, réclamant des rançons et recourant à la violence pour réprimer toute opposition.
L’État ou ce qu’il en reste assiste en spectateur amorphe à la dynamique de la société. Son implication est limitée, voire absente, laissant l’orientation aux mains de certains individus qui essaient de faire face aux défis et d’indiquer une route à suivre. Si route subsiste encore dans cette Haïti enlisée dans une crise profonde avec le potentiel d’anéantir tout sur son passage.
Le 1er mai souligne la contribution essentielle de la paysannerie à la subsistance des populations des grandes villes, notamment à Port-au-Prince. Son rôle devient particulièrement évident face à la flambée des prix dans les marchés, due à une faible pénétration de ses produits en ces lieux de commerce.
Cette date souligne aussi l’inaction du pouvoir interimaire, qui n’a entrepris aucune démarche tout au long de sa première année pour améliorer la condition des travailleurs. L’espoir d’un changement face à la crise demeure une chimère pour cette communauté en détresse, qui devra désormais compter sur sa capacité de mobilisation pour transformer son avenir.
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