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Joyeux Noël quand même


Co-auteurs
Alain Pierre
Jean Baptiste FRANÇOIS



Plusieurs années se sont écoulées depuis la dernière mésaventure du jeune garçon. Il est désormais le prototype parfait de l’adulte prématuré, endurci par les épreuves d’une réalité cauchemardesque. Ici le rêve n’a plus sa place. Ce petit coin de terre qui l’a vu naître ne se prête plus au jeu des traditions. La vie, ou ce qu’il en reste, depuis quelques temps est sous le contrôle malveillant et malévole des plus bas instincts. L’effritement des valeurs ne fait que confirmer cette crise des valeurs qui sont en contraste avec ses rêves caressés dès l´enfance. Le tableau assombri que lui présente son quotidien est un cumul de choses mièvres, fades où la liberté cesse même d´être de mode. Pas une brise pour rappeler qu’on est dans une période de trêve, un moment sacré qui dans le temps rassemblait les gens en quête d’espoir.
Espoir : Ce mot ne vaut plus son pesant d´or, écrasé par l´insoutenable et l´intolérable. Aujourd´hui nos pueblos sont habités par des gens perdus dans le vide apathique et dénudé de leurs illusions froissées, bafouées et chiffonnées ; ces gens qui hier encore s´ouvraient à la vie et embrassaient même son dernier souffle.
Notre garçon voudrait encore goûter aux petits bonheurs de la vie, devenir ivre jusqu´à s´affaler dans les bras d´une bien-aimée. Que ce serait bon pour lui d´embrasser une joue bienveillante, de laisser éclater dans les jambes d´une douce amante toute sa rage, sa souffrance, sa douleur, trop longtemps contenue, éteindre cette brûlure voluptueuse qui le consume, enfouir son visage et ses lourdes paupières dans un tombeau de parfums…
Mais déprimé, vidé ; il longea le bord de mer à la recherche d´une paix où il pourrait donner libre cours à son spleen, se perdre sous l´immensité du ciel. Au loin retentit une cloche, sûrement celle d´une église qui sonne le cor tel un rassemblement pour des fidèles attachés à des valeurs qui pour lui ne renferment aucun sens.
C´est Noël, pense-t-il, mais des mots comme l’entraide, le partage, l’amour n´ont plus cette magie qui pour lui était sacrée quand il était encore petit. L’esprit de Noël n´a plus cette félicité de jadis, les décors font place aux ordures, l´ambiance dans les maisons respire le mal de vivre : un quotidien de misère, de famine, de colère, de frustration, de lassitude, de privation et de spoliation.
Pourtant dans sa tête, il veut croire que tout n´est pas perdu, il veut se convaincre que Dieu dans toute sa miséricorde ne peut l´abandonner, lui et son peuple. Il croit qu´un miracle peut encore se produire surtout en cette période qui a vu naître le fils de l´homme… Oh le naïf, le rêveur. Tu n’es plus de cet âge, qu´est-ce que tu nous fais, mon petit ? Réveille-toi, ouvre les yeux. Tu n´as pas vu dans quel monde tu vis ?
Pendant qu´il pense à sa Noël à lui, il semble oublier que le pays va mal, il semble se désintéresser de la situation d´un pays paralysé par une succession de manifestations et de grèves qui s’intensifient san rete. Port-au-Prince, la Capitale, est entièrement bloquée dans son ensemble. Polisye ap retire barikad, yap fè dyòb la, pa vre! Les agents de la voirie sont maintenant peinards, pépères. Gaz, katouch, wòch, boutèy se dezòmè simbol yon peyi. La pagaille, le chaos!
Guito, élève de philo, est chauffeur de moto-taxi pour subvenir à ses besoins et payer ses études. Il déambule dans la ville, lap jwe marèl ak wòch ak fatra ki gaye nan lari a, sur sa route, quoiqu´apeuré, il porte secours à une propriétaire d´un dépôt de provisions alimentaires que des bandits armés ont dépouillé de sa sacoche et de la recette du jour… Sou tout wout poul al lopital la, tout moun ap rele men nan tèt: Anmweyyy yo tire Yaya.
La près anpil nan yo bèbè, apèl telefòn menm pa fin kòdyòm, pou nwèl la tout avantay pral koupe. Antrepriz wouj e blan pap fè pa nou, moun sa yo pa bay chans.
En plein centre-ville de notre pays, sans peur aucune, trois personnes ont dégainé et tiré sans distinction en direction d’un groupe de personnes qui veulent enjamber une barricade de bois et de pierres, comme il y en a des centaines dans le pays ces jours-ci. Nonm zo a li menm pa brennen, recroquevillé, racrapoté, lap voye pwen sou yon sektè ki blokel, li pa sitonw nom menm, Hmmmmmm…. li kwense kòl nan mòn nan anwo a, li fè bloke anba e ti pèp la ap layite galèt nan kòlèt gad kap fè tout kalte replik bidiwwwwww.
Peyi a Blanch, ou ta di se ti moun kap kache pou madigra anba kabann. Gen de zòn, mouch pa vole, pyeton fòk yo konn kiyès ou ye. Gwo chèf yo, gwo palto yo, où vous cachez-vous ? Vous avez abandonné la barque ou quoi ? Nan rès kò peyi a, nèg ak zam ap fè lalwa, yo boule sa yo vle, PEYI A LÒK PLAT…
Men peyi´n tap chèche a. Ou ta pè Nowèl ou tap met pyew nan peyi sa, ti gason pran tèt ou non.
Profitant du tohu bohu, du désordre généralisé et de cette confusion sans nom, yon ti jennonm, assis sur un banc accoudé derrière sa maison ap kase ti bwa nan zòrèy piyit vwazin nan, il raconte d’une voix douce à sa conquête, yon jenn ti gengenn, je kale avec des yeux globuleux, des histoires sorties de nulle part, lap akwe ti kòmè a, peyi cho pa pou yo.
Mais devant moi, le jeune garçon est toujours debout, hébété. Il n´arrive pas à sortir de sa tête l´image d´un pays uni, fusionné dans un désir d´aller vers l´avant, la tête altière, ouvrant les brèches et multipliant les percées pour un avenir rayonnant, glorieux et nitescent.
Je le regarde avec pitié et compassion et lui dis : « cesse de t’accrocher à l’espoir, à tout optimisme quand ton souffle est en train de se confondre et ne retrouvera plus son chemin ; ta société est perdue, cassée, démembrée, scarifiée, divisée, corrompue ». Une société vouée au culte des esprits lacérés, évidés, asséchés, un monde loqueteux où des cancres, des minables et des non avenus s’imposent, yo menm ap frape lestomak yo, adye wo!
Ti nonm nan pa janm deplase, frêle, en guenilles, lançant vers moi un regard éclatant… Chaque mot qu’il prononce semble soudain être emporté par le vent, comme pour faire oublier son destin tragique, ce mal qu´il incarne.
Rien qu’une prière pour essayer de tout changer. Un moment de répit, une adresse au Père Noël dans cette période qui semble le tenir à coeur. Et là, derrière un rictus, il lance avec ferveur et élan ces mots : «Pè Nowèl malgre sa fè plizyè ane ou pa pase wè m,mwen fè je m chèch pou m tounen nan kò w jodi a ankò. Map mande w pou w demanti pawòl ki fè kwè se ak gwo zouzoun sèlman ou annafè a. Se vre lajan ak kado toujou gen tandans al kay parèy yo, men pou yon fwa pè nowèl fè yon eksepsyon. Si non wap disparèt nèt nan lespri moun pa bò isit e mwen pa kwè se sa w swete. Sa m vle mande w ankò se lavi miyò, lanmou, konsyans ak konpreyansyon lakay chak grenn krityen vivan kap viv sou bout tè sa. Pè Nowèl, pot anpe kòd poun mare san vègòy, san nen ak san wont ki pran plezi nan pete zizye pèp la e kase ponyèt sila ki sèvi yo pon pou yo kapab gonfle pòch yo. Mèsi davans pè nowèl »
Alors comment vous dire Joyeux Noël quand mon coeur est chamboulé, Comment vous dire que je vous aime quand mon âme est bouleversée, Comment fêter ce moment quand l’amour s’en est allé, quand Noël ne rime plus avec magie, quand il n´y a plus d´argent pour acheter même des présents aux enfants.
Comment réapprendre à aimer quand s’annonce une Nouvelle Année porteuse de mauvais présages, vous ne voyez pas que les voeux de fin d’année sont de douces illusions qui ne nous font plus rêver. Menm nan joud lan ti moun pap fè wonn pòt, pou yal kibò ?
Le Père Noël, du haut de ses ans, je vous assure a oublié nos chaussures. Il n’a pas notre adresse, du moins il l´a jeté aux orties
Il passe bien chez nos voisins, non ! Kitem ri, misye komik anpil wi!
Dans ma ville au crépuscule effiloché Les ruelles s’étoffent d’un manteau noirci par le temps Minuit, à l´heure où l’écart entre le monde des vivants et celui des esprits devient beaucoup plus ténu et fragile, présente sa face macabre au bruit de crépitements d`armes automatiques
Bèw, baw, bidiw
Tout moun mawon, yo pè kou krab, li fè nwa kou lank.
Banm pranw souf ! Des images d’antan nous reviennent
Imaj kè kontan
Imaj pli detwal kap eklate koulè nan syèl kap miyanp miyanp
En nos jours des mains glacées sillonnent nos rues Silence, pas feutrés, souffle haletant, kè sote…
Les pauvres, les délaissés ont les yeux sortis tels des globes visqueux, gelés par la faim et le froid. Au loin, on entend les pleurs, les larmoiements et les pleurnicheries calcinés des enfants abandonnés, ils ne verront jamais de leurs vies un sapin même défriché… Ala de koze. Pa twò lontan, Fèt Nwèl te konn ofri lavi nou anpil koulè poul souri
Nan tan jodi tristès taye tyel poul souke ke wòb li sou klète lajounen
Lavi gen poul travèse anpil lòt sezon ankò anvan nou viv yon fèt Nwèl tankou zòt nan lòt zile ak lòt bout tè.
Une musique de Noël monta soudain et fendit l´air, le garçon tel un appel suit le fil de la mélodie mais en cours de route il sera pris d´étourdissement, cause de plusieurs jours passés san manje. Kleren ak gaz fesel atè. Nan demen maten yo jwen li rèd souw bout galri.
Joyeux Noël à vous tous et que tous les saints, les loas, les dieux de toutes les nations nous viennent en aide. On en a bien besoin.

La Rédaction