7 février!! Une date symbolique et historique pour l’Haïtien, date devenue même constitutionnelle à partir des faits qui l’ont marquée. La chute consacrée du régime dictatorial de Duvalier sous la fausse poussée du peuple encore dans les rues, à cette époque. Voici déjà, dans 3 jours, 38 ans accomplis depuis. 38 ans que les espoirs charriés sont devenus, cause de mort pour beaucoup et de désespoirs pour d’autres, beaucoup comme ceux l’ayant vécu, ceux de ma génération.
Depuis, que d’espoirs déçus, de rêves brisés comme autant de vies dans le chaos social qu’est devenu notre vie à nous Haïtiens, le 7 février 86 lui-même, 90, Lavalas et ses fourberies, Le coup d’État et ses tromperies, Le retour soi-disant à l’ordre constitutionnel, et les 16 ans de vie politique scabreuse entrainés, jusqu’à l’ignominie de carnaval de 2010, et la facétie de réussite politique de 2015, pour arriver aux funérailles lugubres de 2021 et son cortège de malheurs avec le pire à notre tête de manière continue et toujours plus grimaçante.
Le tout dans cet étalé catastrophique avec en ligne de fond, le Blanc, l’Étranger, tous nos ennemis héréditaires par jalousie, orgueil et ressentiment.
Et le 7 février devenu par le fait de nos ennemis oubliés, dans le concept du village planétaire, de ses intérêts encore plus malicieux que ceux pourtant clairs du colonialisme, car masqués des habits trompeurs du communautarisme, de l’entraide, de l’aide, de la coopération « per se » du socialisme hypocrite et de l’humanisme constructiviste, quand il n’est pas simplement du capitalisme insouciant dans ses conséquences et sauvage dans ses méthodes.
Ô Combitisme, voie claire et de regrets, qu’une fois encore nous avons inventé et délaissé, sans même l’exploiter! Vrai humanisme du « fais à autrui ce que tu voudrais faire à toi-même ».
Et c’est ainsi tranquillement que le 7 février est redevenu une date comme les 364 autres ou 365 des années ayant perdu symbolisme et historicité.
Le 7 février 2024
Pourtant cette date diffère. Elle n’est pas comme les 37 autres années passées de manière insignifiante dans notre vie comme les fêtes de l’indépendance ou du jour des aïeux. Elle a un tout petit quelque chose de plus comme une consécration solennelle, un caractère transcendant qui le distingue de sa panoplie de 37 dates identiques, mais appartenant déjà au passé.
Il y a un proverbe que j’adore, appris de mon père et cultivé dans ma famille, elle est d’origine biblique et tout comme remplie de sagesse dans toutes les composantes sociales, associatives, communautaires, collégiales et surtout politiques. « Le méchant fait toujours une œuvre qui le trompe ».
Hé oui! Mais quelle est cette œuvre?
« La publication dans le moniteur du 7 février 2024 comme date de la démission du Premier ministre, ordonnée pour publication et comme de fait publiée par lui et son gouvernement dans le Journal Officiel de la République « Le moniteur ».
Je vous entends déjà : mais ce sont des de facto sans aucune base de légitimité, ni constitutionnelle, ni conventionnelle, ni même règlementaire, mais de simples pistonnés et comble de l’ironie technologique par un simple tweet en faisant fi des principes constitutionnels , légaux, administratifs et par des arrangements diplomatiques ombreux qui ne peuvent se réaliser que chez nous, ce pays ou malheureusement tout devient possible comme dans un champ d’expériences à la recherche de précédents. Et nous en sommes avec peine, tristesse et horreur les cobayes pires que des animaux, de véritables objets sans vie et sujets de pitié, car il n’y a personne pour nous défendre, même pas nous, englués dans l’acceptation de toutes les vicissitudes sociales, politiques, humanitaires, intéressées.
Puis s’en est venu le temps des Biden, des Rassemblements familiaux au Canada comme une échappée offerte à certains d’entre nous, dont moi, pour sortir de la jungle que notre vie est devenue, pour respirer même tant notre vécu est asphyxiant et étouffant.
Le Psychosomatisme
Le vécu haïtien n’est pas seulement asphyxiant et strangulant mais il charrie aussi des traumas divers dont nous ignorions, ou presque, les effets et méfaits : suicide de jeunes, stress, strokes, maladie artérielle, cardio vasculaire, angoisse, schizophrénie, lassitude, éreintement psychique et le pire une logique d’épuisement qui atteint toute la société. Pas la logique d’épuisement qui se traduit par le burn out, la fatigue sociale, sorte d’accablement de découragement, de démoralisation, de dépression et j’en passe, que les psy traduisent généralement par des difficultés au travail, atmosphère, charges, soucis, craintes ou autres accès de patrons intraitables et inflexibles.
Tous ces accablements psychiques sont devenus, ces dix dernières années, des diagnostics répétés de nos cliniques et soucis presque constants de nos médecins, ou de ceux qui en restent, biden oblige. Tellement l’ambiance est délétère, à déconstruction même de l’être.
Mais là réside aussi le danger. Car la situation a des responsables, et par définition politique. L’État en est le premier et unique responsable, le 7 février malgré les mots d’ordre un peu contradictoires qui sont donnés à cette heure de l’unité passée et si grandement et malheureusement oubliée. Nous ne parlerons pas du refus caractéristique de non-assistance si odieusement manifestée par des tweets de soutien à d’autres peuples, en soulignant ainsi le mépris de nos propres frères dans leur immense malheur, pire que du colonialisme. Le danger car la logique d’épuisement pour se manifester nécessite deux acteurs : celui qui épuise et celui qu’on vise à épuiser. Or, comme tout fait cela entraine des réactions, pouvant être la lassitude sociale dont on a brièvement parlé, ou l’épuisement dans une logique machiavélique d’éreintement pour pousser tout un peuple à l’acceptation de TOUT.
Du viol, du vol, du kidnapping, de la corruption métastasée, du gangstérisme actif, de l’abandon étatique, du mépris total généralisé, des meurtres au quotidien, de l’impunité, du déni de justice en toutes choses; à l’ombre protectrice et moqueur de la diplomatie internationale dans son grand ensemble qui agit avec le pays comme un âne courant après une carotte tenue devant lui par son cavalier. Ou pire encore un os tiré par un bolide, et les chiens que nous devenons langue bavant derrière.
Le danger, car l’épuisement social comme il est chez nous, du fait de la démission, sans la remettre de nos dirigeants, ouvre la voie à une alternative que le 7 février risque cette fois-ci de concrétiser. La catatonie ou l’animal acculé. Donc le mauvais ou le pire.
Que le 7 février 2024, à nos portes, ne soit rien qu’une date, comme il était malheureusement devenu en faisant fi de nos rêves et espoirs d’un changement, ou qu’il devienne le tournant décisif enfin de notre vie de peuple.
Jean Eric FOUCHÉ
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