À quoi jouent les membres du gouvernement d’Ariel Henry ? Nul ne peut être affirmatif quant aux intentions réelles de l’équipe au pouvoir. S’il est vrai que dans un machiavélisme absolu, l’un des paramètres fondamentaux du pouvoir reste sa conservation, dans le contexte actuel, il est difficilement imaginable que ces politiques qui ont conduit le pays au fond de l’abîme puissent se maintenir encore longtemps au plus haut sommet de l’État. Les dilatoires pour faire échec à l’avènement du Conseil présidentiel résonnent comme un chant du cygne qui, malgré la fin inéluctable, s’entête à refuser l’évidence.
Depuis plus d’un mois, Haïti est sur pilotage automatique. Le silence complice de Michel Patrick Boisvert, assurant l’intérim en l’absence d’Ariel Henry, prouve, dans cette atmosphère délétère, que le pays, pendant les trente-deux derniers mois, n’était ni dirigé, ni administré. Cette politique de déraison qui a endeuillé et appauvri les familles haïtiennes ne peut, à l’évidence, plus continuer. Au moment où la capitale ne laisse presque plus de territoire à abandonner aux bandits, un changement de cap s’impose pour casser cette dynamique d’instrumentalisation de la crise haïtienne tant par l’internationale humanitaire que par les groupes dominants de la société haïtienne.
Il n’est plus à démontrer qu’Haïti est le cobaye de la CARICOM et, dans une plus large mesure, de la communauté internationale.
Théâtre de l’expérimentation des nouvelles armes du néolibéralisme triomphant, dans ce vaste projet d’une colonie globale, Haïti est détruite par un complot impliquant des agents internes et externes du système international. Le double jeu de l’équipe du 21 décembre prouve que l’agonie de la République est provoquée. À la fois impliquée dans la mise en place du Conseil présidentiel et réclamant la nomination d’un juge à la Cour de Cassation, le cynisme de l’équipe d’Ariel Henry a atteint son apogée. Créant une confusion malsaine visant à occuper l’opinion alors qu’ils manœuvrent en soubassement pour négocier leur sortie, les membres du gouvernement en place s’engouffrent dans une bêtise politique qui risque d’avoir de graves conséquences, tant pour leur avenir politique que pour la population dans son ensemble.
Devant ce chaos innommable, les citoyens restent encore accrochés à une hypothétique prise de conscience de la classe politique pour soulager sa peine. Toutefois, l’équipe de jouisseurs au timon des affaires de la République ne fera aucune concession, quitte à laisser les terroristes armés qui marchent actuellement sur Port-au-Prince, mettre en lambeaux les derniers symboles de notre civilisation.
Cette invasion contrôlée et programmée continue sous le regard complice des membres du gouvernement, en particulier du Conseil supérieur de la Police nationale (CSPN) qui, malgré l’insécurité grandissante, n’a pipé mot. Aucune décision sérieuse, outre un couvre-feu, à la fois curieux et inopportun, n’a été annoncée.
Longtemps bloquée à l’étranger, la ministre de la Justice, Emmelie Prophète Milcé, est revenue pour étaler son incapacité à assumer sa tâche ainsi que l’indigence du gouvernement à la face du monde entier. Comme un symbole, elle aurait, avec son collègue, Victor Généus du MAEC, déboursé plus d’une dizaine de milliers de dollars pour le trajet de Cap-Haïtien à Port-au-Prince, juste pour survoler et éviter les « territoires perdus ».
Et devant ce déferlement de violence qui frappe Haïti, le silence de Mme Milcé, depuis son retour en catimini, est encore plus éloquent, alors que des écoles sont pillées, saccagées et brûlées. En effet, la ministre n’a annoncé, ni pris aucune disposition particulière pour protéger les rares espaces de production et de transmission de savoir, comme les Facultés des Sciences, de Droit et l’École normale supérieure qui, de plus, constituent des patrimoines dans l’univers haïtien. Ces considérations s’étendent aux archives nationales et à la Bibliothèque nationale, véritables réserves de la mémoire nationale, placées sous son contrôle, en tant que Ministre de la Justice et Ministre de la Culture.
Les récents événements ravivent l’idée que l’équipe d’Ariel Henry et les groupes terroristes sont les deux ailes d’un même oiseau, et qu’à ce titre aucune solution ne peut être envisagée en l’incluant. Cette politique de terre brûlée instituée pour détruire le bas de la ville et faire pression sur la population est à double tranchant et participe du plan macabre de faire obstacle aux initiatives de la CARICOM.
Tout porte à croire que, in fine, si le Conseil présidentiel a échoué à cause de ces nombreux dilatoires, les membres de ce gouvernement démissionnaire risquent d’être confrontés à la colère de l’international et des acteurs impliqués dans le processus.
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