Face aux privilèges du pouvoir, on ne fait pas dans la demi-mesure. Chaque petit groupe tente de placer son pion au cœur du Conseil présidentiel. Il n’y aura pas de place pour tout le monde. Le temps presse. Les politiques ont faim. Insatiables, ils le sont tous. Pourtant, ils oublient les affamés qui meurent dans les quartiers populaires. Comme d’habitude, ils veulent tout ramasser, quitte à placer des corrompus et des anciens hauts fonctionnaires aux passés douteux au sein du nouvel organe de transition proposé à la CARICOM.
Les tractations autour du Conseil présidentiel (CP) de sept (7) membres n’augurent rien de bon pour le pays. Sans gêne, alors que le pays veut tourner la page, les prétendants au CP n’arrivent pas à rompre avec les vieilles pratiques qui ont conduit le pays au bord du précipice. Outre la lutte intestine entre les membres de certains groupes dont l’accord du 21 décembre, les personnalités proposées sont loin de rassurer avec leur passé douteux.
L’ancienne équipe d’Ariel Henri, qui est en train d’imploser, a soumis pas moins de trois propositions. La querelle des jeunes et des anciens a atteint son paroxysme au sein de ce groupe. Le comble, tous ont soumis des personnalités douteuses qui ne répondent pas aux critères fixés dans l’aide-mémoire de la CARICOM. Vikerson Garnier et Levaillant Louis-Jeune proposés respectivement par le groupe majoritaire et les membres de l’accord du 11 septembre, souffrent tous deux d’un déficit de déclaration de patrimoine.
Le choix de RED, du parti EDE, du Compromis historique et ses alliés portant sur Marie Ghislaine Mompremier, ancien Ministre à la condition féminine, va dans le même sens. On dirait qu’il y a une volonté manifeste de faire échouer, une fois de plus, une fois de trop, ce consensus fragile trouvé entre les protagonistes. Des ministres et autres hauts fonctionnaires de l’État qui n’ont pas été déchargés de leur gestion de la chose publique et qui se présentent, sans gêne, en sauveurs pour faire partie du CP, Haïti est dans la boue.
Pourtant, la bombe sociale amorcée dans cette crise sanglante que connait le pays n’est pas loin d’exploser. Les nombreux petits groupes qui ont déboulé dans l’arène politique avec des propositions plus farfelues les unes que les autres, empirent la situation et prouvent qu’une solution concertée n’est pas pour demain. Encore plus quand le secteur privé, toujours dans les mauvais coups, arrive à glisser le nom de Laurent St-Cyr dans la liste des prétendants. Une alternative qui rend dysfonctionnel le HCT que ce secteur avait ardemment défendu. D’un mutisme étonnant face à la terreur imposée par les gangs et la mauvaise gouvernance d’Ariel Henri, les « Patrons » sont finalement sortis de leur léthargie.
Avec la démission d’Ariel Henri à venir et la mise en place d’un nouveau gouvernement, on aurait pu s’attendre à ce que 2024 soit une année de bascule vers une régularité des structures de gouvernance. Cela aurait pu également être un moment pour changer les pratiques politiques et offrir un moment de répit à la population. Il n’en sera rien. Les politiques n’ont pas de vision. Ils n’arrivent pas à comprendre qu’à ce moment précis de notre histoire quelque chose d’important se joue : notre indépendance ou tout simplement notre survie en tant que peuple.
Définitivement, les figures changent mais les acteurs demeurent avec, à chaque fois, de nouveaux bévatrons pour accélérer cette course effrénée vers le chaos. Le cri du peuple est partout, il résonne dans le monde entier, mais reste inaudible pour les protagonistes haïtiens qui ont totalement démantelé les structures du pays par leur gestion catastrophique des pouvoirs de l’État.
La République paraît incapable de produire des hommes capables de gouverner par « Gros temps », comme dirait Raymond Aron. Pourtant, depuis 1986, la barque du pays vogue en gros temps. Il n’est donc pas surprenant qu’elle ait autant dérivé. Aujourd’hui, plus qu’hier, il faut une politique de la raison qui prend en compte la réalité dans toute sa dimension, pour remplacer cette politique de déraison, inefficace et destructrice.
Haïti fait face à une crise de leadership aigue. Les politiques sont effrayés devant la possibilité de choisir une gouvernance éclairée et démocratique qui pourrait permettre de faire lumière sur les coins obscurs de leur gestion passée. Ces combats douteux qui sont menés pour une prise de pouvoir qui paraît de plus en plus utopique, vu que c’est le blanc qui décidera en dernier ressort, n’accoucheront nullement d’une Haïti nouvelle.
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