La CARICOM est venue, a vu, et est partie les mains vides. Encore un rendez-vous manqué ! Entretemps, les gangs continuent de gagner du terrain et d’expulser les citoyens de leur maison. Les camps de déplacés poussent à un rythme effréné. L’État annonce la réouverture des classes dans une capitale ceinturée par les bandes armées, feignant une situation normale, alors que tout s’empire. Territoire perdu et temps perdu sont les seules certitudes de l’Haïti de 2023.
Les émissaires de la CARICOM étaient investis d’une mission fondamentale : trouver un compromis entre les protagonistes, dans la perspective d’avoir un dossier consistant devant le Conseil de sécurité le 15 septembre prochain. Ils ont échoué. Il n’y avait aucune chance de réussite pour ses nouveaux pourparlers. Les deux parties, avant même l’arrivée de la CARICOM, avaient œuvré pour faire capoter toute tentative de consensus. Elles se sont radicalisées.
En Haïti, ça fait longtemps, très longtemps que les politiques ont perdu le sens du compromis. Chaque séance de négociation, est un espace d’autodestruction, où l’on tente d’imposer à l’autre une potion amère et infecte. Le concept d’unité nationale, combien nécessaire dans cette conjoncture difficile, ne s’applique pas aux politiques. Ni celui de l’urgence d’ailleurs.
Cette politique de l’échec conjuguée à l’extrême par les acteurs, enterre tout espoir de la population souffrante de voir des jours meilleurs. Au final, l’idée qu’une solution haïtienne soit trouvée à la crise doit être oubliée. Une fois de plus, l’avenir d’Haïti sera dessiné, sans les Haïtiens. Ce, en dépit de ce rendez-vous fixé au 12 septembre pour des ultimes discussions qui ne convainquent toujours pas les sceptiques. L’obstination de l’organisation régionale pour trouver un compromis de dernière heure est louable, mais…
Ici il y a toujours un « mais ». Car, la guerre entre ceux qui travaillent dans le gouvernement et ceux qui veulent travailler dans le gouvernement, est totale. Entre le départ d’Ariel Henry qui fait quasiment l’unanimité parmi les opposants et le refus de celui-ci de discuter directement avec eux, l’équilibre était difficile à trouver pour la CARICOM.
La déception de la CARICOM exprimée par le Premier ministre de Saint Vincent et les Grenadines, Ralph Gonsalves, est symptomatique du problème de leadership longtemps reproché à la classe politique. Si l’opposition est en panne de stratégie de combat et rumine sans cesse ses vieilles demandes de participation, M. Henry et ses alliés affichent. De l’autre côté, un cynisme effarant tant ils paraissent désintéressés des problèmes de la population.
Adeptes des positions extrêmes, opposition et pouvoir semblent donc avancés avec des bandeaux sur les yeux. Ils ne voient, ou du moins refusent de voir ce qui se passe dans le pays. Un pays qui se meurt, alors que les fantasmes de pouvoir des acteurs et autres figurent en compétition, vont grandissants.
Les acteurs politiques sont en train de faciliter un retour de l’Onu et de l’humanitaire international qu’ils avaient rejeté il y a tout juste quelques années. C’est peut-être le scénario qui arrange tout le monde. Les opposants y voient peut-être leur ultime chance de récupérer le pouvoir, vu leur incapacité à mobiliser la rue contre Ariel Henry. Du côté du pouvoir, ce retour planifié reste la seule porte de sortie viable pour le Premier ministre qui a déjà brûlé tous ses vatouts ou presque.
Coincés entre leurs ambitions de pouvoir et une opinion publique qui les rejette tous, l’« opposition » et les acteurs qui contrôlent le gouvernement paraissent usés et ne semblent plus en mesure d’apporter quoique ce soit à la Nation. Ils ont tous coulé et ont précipité le naufrage national. S’il est vrai que la génération qui s’en vient, avance trop en ordre dispersée pour incarner une relève viable, il est aussi évident qu’un changement s’impose et qu’il faut absolument faire table raz de cette classe politique rétrograde, pour donner une chance au pays de se relever.
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