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Société

Le journalisme sape la « fragile » démocratie du pays

Le mouvement de 1986 contre la dictature des Duvalier n’aura pour mérite que de libérer la parole. De tous les enjeux de ce supposé changement de régime, « la démocratie », il n’y a que deux choses qui ont primé : le renouvellement du personnel politique et la liberté d’expression. La parole est libre comme le vent donc incontrôlable.
Haïti se retrouve à un carrefour où il faut se demander, qu’est-ce que la presse haïtienne a apporté à la démocratie ? De plus en plus, la presse représente l’exutoire des frustrés, l’illusion d’un semblant de changement de classe sociale pour les travailleurs de la presse qui nient leur origine. Mais qu’est-ce qui explique que très peu de media, ou presque, ne s’intéressent à la justice sociale ? Pourquoi aujourd’hui les media prêtent-ils le flan à une polarisation de la société ?
L’absence de loi ou d’unité réelle dans le secteur pour une auto-régularisation du travail des journalistes favorise une société qui nage en eaux troubles, très troubles. « Jounalis ap vole ou pa konn sak radyomann ou pa konn sak militan ». Cette confusion sur le vrai statut de ceux qui sont derrière le micro ouvre la voie à une légion d’ « analystes politiques » à l’haïtienne. Entendez par là, des gens qui, dans la majorité des cas, n’ont pas la formation requise pour pouvoir tenir une émission thématique ou travailler dans une salle des nouvelles mais ils ont tout de même entre 2 à 3 heures d’antenne, si ce n’est pas plus, pour vociférer, intoxiquer, se vendre ou faire le jeu d’un quelconque groupe d’intérêt.
La presse haïtienne dans sa grande majorité devrait se demander qu’est-ce qu’elle a apporté à la démocratie ? On comprendra vite que la presse est de préférence la principale bénéficiaire de la fragile et sur mesure démocratie qu’on a proposé à Haïti comme transition pour sortir de la dictature. Il est très rare et même exceptionnel de lire dans les journaux une annonce de recrutement de cohorte de journalistes pour les media. Tout est clientélisme ou je-m’en-foutisme. Personne ne contrôle qui va au micro, personne ne contrôle ce qui se dit à l’antenne. La parole est libre donc incontrôlable.
En période de crise ou de trouble politique, la presse est loin de calmer ou d’aider à maintenir l’ordre social. Si on n’est pas trop pro on est trop anti. La nuance est peu perceptible. Entre la radicalisation de certains media et le mépris déconcertant d’autres des revendications populaires, la population s’érige en juge. C’est cette population frustrée, opprimée qui décide quel media est proche du peuple ou quel autre qui travaille contre ses intérêts. Question de perception. Mais de l’autre côté, on a cette presse qui elle aussi rentre dans cette articulation macabre en faisant soit le jeu de l’opposition soit celui du pouvoir. Il y a tout de même un groupe, minime soit-il, qui essaie de faire son travail correctement, en toute objectivité. Mais cela ne protège en rien la liberté de la presse. Une presse dit-on est le thermomètre de la démocratie.
Dans cette posture de presse militante ou d’opinions, de camp ou de clan, la démocratie se trouve en grand danger. Très peu de travailleurs de la presse font écho de la crise humanitaire qui prévaut dans certains coins du pays à cause des troubles politiques, le problème de soin dans les hôpitaux, le non-respect de l’échéance électorale d’octobre dernier, la prolifération des gangs armés un peu partout dans le pays. Que sert la presse à la démocratie ?

Jacky Marc, Journaliste
Maitre en Journalisme
Licence en Communication Sociale

La Rédaction