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Société

Cabinet d’instruction, le grand cimetière !

Outre le cimetière de Port-au-Prince qui reçoit un grand nombre de cadavres, en Haïti, il existe un autre cimetière qui en reçoit un nombre incalculable d’un autre genre : le Cabinet d’instruction. C’est là qu’on enterre les grands dossiers qui passionnent la République. Ceux-là qui concernent les grands mafieux, ou les magnats de la politique et/ou du secteur des affaires. 

Généralement, l’on se plaint de l’absence de grands procès malgré la corruption tentaculaire qui gangrène le pays, la hausse de la criminalité, le trafic d’armes et de stupéfiant. Mais ces dossiers-là lorsqu’ils ne sont pas tués dans l’œuf, finissent tous au grand cimetière, c’est-à-dire au Cabinet d’instruction. Pourtant, ces magistrats instructeurs disposent, selon la loi, d’un délai de 90 jours pour rendre leur ordonnance.

Il n’est pas rare de rencontrer des juges qui instruisent des dossiers sur plusieurs années. Parmi les autres stratagèmes utilisés pour bloquer l’avancement des dossiers, c’est le déport qui permet au Doyen de redistribuer le dossier à un juge qui lui-même peut aussi se déporter, jusqu’à ce que ledit dossier soit complètement oublié et enterré. Les priorités dans une société en crise permanente comme Haïti peuvent changer en un clin d’œil et les affaires qui occupent la une de l’actualité peut aussi être oublié aussi rapidement qu’elles sont apparues.

Parmi les grands dossiers qui ont été mis cent pieds sous terre au Cabinet d’instruction, l’on serait tenté à citer l’affaire Walky Calixte, l’affaire Calixte Valentin, l’affaire Petro Caribe, l’affaire SOGENER contre l’État haïtien ou plus récemment, l’enquête sur l’assassinat du Président Jovenel Moïse qui sert d’échappatoire aux juges en quête d’asile politique ou à ceux qui veulent changer de statut économique.  

Cette tendance à casser les dossiers au Cabinet d’Instruction est une situation commune aux 18 juridictions du pays, mais à Port-au-Prince, la Capitale, elle prend des proportions hallucinantes, vu qu’il s’agit du centre des activités politiques et économiques, et par conséquent l’épicentre de toutes les magouilles et autres manœuvres illicites qui secouent le pays.

Comme dans tous les cimetières, la présence d’un Baron pour faire régner l’ordre, dans ce cas, l’ordre des nantis et des détenteurs du pouvoir, est nécessaire. Ce rôle revient au Doyen du tribunal qui en bon administrateur, sait parfaitement dans quelle tombe enterrée certains dossiers pour les faire oublier.

Ce juge dispose de cette prérogative de distribuer les dossiers à qui il veut, et au moment qu’il croit opportun. La guerre de tranchée que se livrent actuellement le doyen en fonction, Chavannes Étienne, et son prédécesseur Bernard St Vil, est symptomatique de toutes les tractations faites à ce niveau et de l’importance du cabinet d’instruction pour les tenants des secteurs politique et économique.

Bernard St-Vil accusé d’être le fossoyeur à la solde de l’équipe Tèt Kale  joue son va-tout pour revenir au décanat du Tribunal de Première instance de Port-au-Prince. C’est l’homme de confiance de l’équipe. Il aurait joué un rôle prépondérant avec l’ex-Ministre de la Justice Rockefeller Vincent dans l’inhumation du dossier « Dermalogue» et dans bien d’autres encore. Les dossiers Petrocaribe, la mort de Jovenel Moïse ainsi que celui de la SOGENER qui n’avance plus, compte parmi ses œuvres majeures. Une œuvre encore incomplète parait-il.

De son côté, Chavannes Étienne, est très mal vu par le pouvoir qui voit mal les decisions du juge de donner les dossiers corruption aux juges réputés honnêtes comme Marthel Jean Claude et Jean Wilner Morin.
Si Chavannes Étienne a marqué des points en exhumant certains dossiers brulants qu’il a distribués au juge Jean Wilner Morin, comme celui du BMPAD impliquant un certain Patrick Noramé qui salit aussi l’ancien sénateur Nènèl ex-partenaire politique de Ariel Henry. D’aucun presente ce dernier comme un juge honnête qui fait son travail dans le respect de la loi.

Le dossier Youri Latortue impliqué dans un scandale de corruption sans précédent au Parlement qui implique également sa mère, est un autre joli coup à mettre à l’actif du magistrat Étienne, qui essaye par tous les moyens de créer une perception positive de son passage au décanat. Les prochains jours s’annoncent décisifs. Face à la puissance du pouvoir en place et de l’équipe Tèt Kale, Chavannes Étienne peut-il tenir et continuer son œuvre d’exhumation de ces dossiers putrides qui mettent à nu le cynisme des élites politique et économique ?

Jean Corvington