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Haïti-deuil-Radio Kiskeya : li fè katrè ! Hommage à Liliane Pierre Paul, la voix qui résonne dans l’éternité !

  • Hommage à Liliane Pierre Paul, la voix qui résonne dans l’éternité !

La nouvelle est tombée, comme un tonnerre dans un ciel serein. Liliane Pierre Paul nous a quittés. Figure emblématique de la presse haïtienne, voix héroïque et historique, la vedette du « jounal katrè et de Enterè piblik » s’est éteinte. La presse pleure l’une de ses plus illustres filles. Lily entre dans l’éternité, laissant derrière elle, une Haïti bouleversée, embourbée dans une transition démocratique, fâcheusement devenue permanente.

Dès son plus jeune âge, la voix de Liliane Pierre Paul s’est dressée contre la tyrannie. Ce fut le combat de sa vie. Elle a sacrifié sa jeunesse afin que les générations actuelles puissent avoir le droit de parler. Apôtre de la libre parole, son indéfectible engagement pour une presse indépendante, a permis à la jeunesse haïtienne de goûter aux bienfaits de la parole libérée. Une parole aujourd’hui atomisée qui entre en ligne droite de son combat pour la Démocratie qui est une apologie de la pluralité, en particulier de la pluralité idéologique.

Femme de courage, Liliane Pierre Paul a mené des combats que les plus illustres guerriers auraient refusés. Dans les années 1980, alors qu’à l’ombre de Jean Dominique, elle faisait ses armes, elle a subi de plein fouet les assauts de la dictature. Arrestation brutale, viol, exil, elle aura tout connu. Fidèle à ce qui deviendra son plus grand accomplissement, elle  fit face sans concession, à la dictature sanguinaire des Duvalier jusqu’à sa chute le 7 février 1986.

Face aux regards inquisiteurs des élites de l’époque dont elle essuya les multiples mépris, elle s’est perfectionnée, pour devenir cette voix incontournable du cadran qui ouvra la voie à de nombreuses jeunes filles au cœur de la presse haïtienne. Liliane est ce modèle de journaliste-courage qui ne transige pas sur les valeurs et les principes pour satisfaire des intérêts individuels, de groupes ou de clans, malgré les attaques frontales des forces obscures.

Sa constance dans ses prises de position à travers des conjonctures diverses, restera gravée dans le marbre. Les sujets abordés par Liliane ont cette vertu d’être toujours d’intérêt public. Ses rappels opportuns ont souvent fait mal aux corrompus et corrupteurs, aux dictateurs et apprentis dictateurs, mais ils ont été nécessaires, notamment dans cette société sans mémoire.

Outre la presse qui a bénéficié de sa cohérence et de sa consistance, Liliane a également été l’une des voix de la langue et de la culture créole. Elle transpirait son « haitianité » et a imposé la culture créole dans les médias à une époque où les présentateurs et autres animateurs s’efforçaient de ressembler à l’ancien colon et de promouvoir les langues et la culture occidentales pour assouvir leur quête de reconnaissance et d’expression d’un savoir qui les différenciait du reste de la population.

Liliane a aussi voulu qu’Haïti renaisse. Qu’elle ne soit plus la risée du monde. Cet état paria construit en victime expiratoire dépendant totalement d’une aide internationale instrumentalisée. Elle voulait voir un pays qui mobilise librement ses nombreuses ressources pour faire face aux défis et avancer sur la voie du progrès et du développement. Des idéaux qui tranchent radicalement avec cet individualisme imposé par ce libéralisme démodé et cet impérialisme occidental cynique qu’elle a toujours rebuté. Dans cet océan de  désespérance qui engloutit le pays en 2023, la perte de Lily devient encore plus dommageable.

Comme Anthony Pascal « Konpè Filo », son compagnon de combats, Liliane s’en est allée, un 31 juillet, laissant derrière elle une presse en pleine mutation et une Haïti qui agonise. « La liberté de parole n’est jamais définitive », aimait-elle à rappeler, comme pour inviter ses compatriotes, ses jeunes confrères à s’engager pour conserver les acquis de la lutte contre la dictature, également pour exiger des élites dirigeantes, le droit de vivre. De bien vivre et de disposer des services nécessaires à la construction du bien-être commun.

La voix de Liliane résonnera désormais dans l’éternité. Si ses yeux ne verront plus luire le soleil sur cette Haïti obscure, elle restera quand bien même cette lumière inspirante qui invite chaque Haïtien à s’engager pour la démocratie et pour la construction d’une Haïti meilleure, pour les générations actuelles et futures.

Ewa Lily ! bon travèse !

Jean Corvington
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