Connect with us

Hi, what are you looking for?

Métronome FMMétronome FM

Actualités

Haïti-Société : Le lourd fardeau d’être de village de Dieu

Village de Dieu, ancien fief du bandit notoire, Arnel Joseph, est toujours considéré comme une zone rouge. Après l’arrestation du chef de la zone, elle n’a pas trouvé la paix  souhaitée par certains paisibles citoyens. La situation s’est détériorée jour après jour. Véritable repère de bandits, le quartier reste un défi pour la police nationale qui, malgré les diverses tentatives n’arrivent pas à mettre les bandits hors d’état de nuire. De nombreux citoyens qui habitent la zone ont dû laisser. D’autres par contre, qui n’ont pas de moyens, se voient obligés de cohabiter avec eux au Village. La peur, l’angoisse et le désarroi autant de mots exprimer leur situation.

Un espace oublié par des autorités

Situé dans la partie Sud de la capitale, à quelques encablures du palais national, Village de Dieu se fait depuis quelques mois un nom. Des maisons de fortunes, des flaques d’eau un peu partout, des porcs, des enfants ébouriffées. Des tirs nourris se font entendre à longueur de journée. L’entrée, très connue sous le nom de Var est totalement vide. Johnson Louis, 43 ans est né dans le quartier. Il n’a jamais vécu de périodes aussi difficiles que ces derniers moments, raconte t-il. « Pour vivre là-bas, il vous faut du courage. La vie n’est pas facile. Nous avons tous les problèmes.
Dépourvus de tout, les rares citoyens paisibles qui y restent encore doivent faire flèche de tout bois pour y rester. Les habitants du quartier Village de Dieu, devenu tristement célèbre ces derniers mois, se trouvent dans une situation extrêmement compliquée. À côté des problèmes liés à l’ occupation de l’espace par des malfrats, la zone est depourvue de tout. Les gens sont aux abois.
 » Profitant de la précarité économique des citoyens, ils en profitent pour nous gâter avec leur butin. Assez souvent lorsqu’ils détournent des camions de marchandises, ils ne les gardent pas seulement pour eux. Ils partagent avec les gens. Ces derniers voient en eux des sauveurs, mais moi, j’ ai du mal à accepter ces offres. Néanmoins, je peux pas les refuser. Car les refusant, je serai pris pour cible. Des fois, je les reçois et les remettre à des voisins. Car je ne souhaite pas consommer de pareils produits »,  a lâché le Villageois avec peu de fierté.

 De la Complicité obligatoire

Olrich Fils Aimé, 37 ans, vit dans la zone depuis plus d’une vingtaine d’années. Habitant une maison de fortune, père de trois enfants, le natif du grand nord du pays est témoins de tout ce qui se passe dans le dit quartier. « On se connait tous au village. C’est un quartier qui n’est pas trop grand. Chacun vaque à ses activités quotidiennes au lever du soleil. On se connait. Ceux qui font le choix d’être bandits savent bien qu’on les connait. On est même témoin quelques fois de certains faits », à expliqué le citoyen avec beaucoup d’émotion dans la voix, avant de poursuivre.
«  Un jour, ils ont tué un homme et décide de le brûler devant ma maison. Furieux, quelques amis et mois qui étaient assis devant la maison leur demandaient d’aller brûler le corps ailleurs. Exaspérés, l’un d’entre eux nous a fait savoir qu’il ne revenait pas à nous de leur dire ce qu’ils doivent faire ou pas. Ils ont brûlé le corps. Et depuis lors je dois garder le silence malgré tout ce qui se fait » a-t-il raconté. La cohabitation avec les malfrats est l’un des plus grands dilemmes pour nous qui habitent la zone. Deux choix s’imposent quand on vit ici: Soit tu acceptes d’être complice ou tu laisses. Nombreux sont ceux qui étaient dans la zone qui ont dû laisser pour s’échapper de l’emprise de ces marauds. Comme eux, il manifeste l’envie de laisser la zone. Mais faute de moyens, la cohabitation avec eux dure encore et je ne sais pas à quand la fin de cette aventure, nous a- t- il confié.

De la discrimination au quotidien

Au nombre de ceux qui ont laissé Village de Dieu, se trouve Nadine. Jeune fille de 25 ans. Habitant désormais les hauteurs de Delmas, elle explique avoir laissé en raison de discrimination dont elle était victime. » J’ai grandi dans le quartier avec mes parents. Après avoir terminé mes études en sciences infirmières, malgré tous les efforts réalisés pour passer les examens du ministère de Santé publique, aucune institution ne voulait m’embaucher. Raison ? Parce que j’habitais un endroit qualifié de non droit. Aujourd’hui, depuis que je change de zonende résidence tout va pour le mieux, » se réjouit t-elle.
Si Nadine s’est tirée son épingle du jeu, le calvaire de Roberto, 27 ans,  se poursuit.  » Je m’étais engagé dans une relation avec une journaliste. Elle travaille dans une station de radio de la capitale. Tout a bien commencé. Elle sait que je suis chrétien et que nous sommes de même confession de foi. Elle savait auparavant que j’habitais au village. Conseillée par ces amies, un jour, elle m’appella pour demander de si l’on peut se rencontrer. Sans rien penser, on s’est donné rendez-vous dans un bar au centre ville de Port- au- Prince. Et elle n’a pas passé par quatre chemins. Elle m’a dit clairement qu’elle ne voulait plus continuer. L’ interroger pour savoir le motif de cette décision prise à la va vite, à elle de me dire que ces parents ne veulent plus qu’elle entretienne de rapport avec un homme vivant dans pareille zone, et qu’elle décide de rompre » de la discrimination, cria t- il.  » Depuis lors, elle a coupé tout contact avec moi », regrette t-il encore.

Personne ne peut entrer dans le village s’ il pas eu un rendez-vous ou s’il ne se fait pas accompagner de quelqu’un du village, reconnu par les « responsables « . Les conséquences d’une telle imprudence sont énormes et peut lui même coûter la vie » à fait savoir Olritch. Et quant à lui, quand il sort, il ne peut pas se payer le luxe de rentrer à n’ importe quelle heure.  » Il faut rentrer de très tôt  si vous ne voulez pas être victime. Ces derniers contrôlent tout. Il y a des journalistes qui y entrent. Mais sous l’ invitation des chefs. j’avais l’ habitude de les voir venir interviewer ces derniers », a t-il souligné.

La Police Nationale impuissante

Dans la zone, les policiers nous voient tous comme des bandits. Ils ne font pas différence entre les gens paisibles et les malfrats. « Il y a quelques jours de cela, lors d’une opération, des agents de la police ont arrêté de paisibles citoyens, alors que ceux qui méritent d’être sous les verrous poursuivent leurs activités dans le village. Ils accusent ces citoyens d’ être de connivence avec les bandits. Après un temps passé au commissariat de Port-au-Prince, certains sont conduits au Pénitencier,  pourtant innocents,  » désole Olritch Fils Aimé. 
 » Nous ne sommes pas responsables si ces individus ont choisis la profession des armes. Ils ont fait leur choix et nous avons fait le nôtre. Il est inconcevable que les simples citoyens qui n’ ont rien à voir avec les mauvais actes subissent de pareils sort, » a t- il dénoncé de ton ferme.
Lors de la dernière intervention de la Police Nationale dans la zone, malgré les blindés fraichement achetées, la Police Nationale est sortie brédouille au village lors d’une opération qui a réuni plusieurs dizaines de policiers. 
Vivre une vie paisible, tel est le souhait de ces citoyens, obligés de rester dans ce pétrin par manque de moyens économique. Trouver un travail pouvant les aider à louer un espace dans une autre localité est le rêve chéri par ces deux pères qui ne souhaitent plus  grandir leurs enfants dans cette conjoncture.

       

N.B: Les noms utilisés dans ce travail sont des noms d’ emprunts en vue proteger ces citoyens.

Mauryle Azaine.

Jean Corvington