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Le massacre de Pont-Sondé montre le vrai visage des autorités

Plus de soixante-dix morts, selon l’ONU, voilà comment Haïti est revenue à la Une des médias internationaux, cette semaine. Malgré les annonces pompeuses du chef de gang de Savien, Luckson Elan, criminel notoire, annonçant ce massacre évitable depuis des semaines, la population de Pont-Sondé a été laissée à son funeste destin.

Hommes, femmes et enfants, ils ont tous connu l’horreur pendant cette nuit des longs couteaux programmée. Dans ce pays où le laisser-faire est devenu une stratégie politique efficace, les gangs armés sont des instruments essentiels de conservation du pouvoir.

Cette mise à mort qui vise à saper la résistance de la population de Pont-Sondé et, dans une plus large mesure, de St Marc, s’inscrit dans cette dynamique d’attribution de droit de tuer à certains groupes dans cet état d’exception qui s‘est installé en Haïti depuis plusieurs décennies. Comme l’explique Michel Foucault dans sa réflexion sur le biopouvoir, il y a une distinction nette depuis quelques temps qui a été faite, entre ceux qui doivent mourir et ceux qui doivent vivre. Et cette distinction s’est opérée dans l’espace haïtien, sur des critères spécifiquement économiques.

Certains groupes sont quasiment considérés comme inessentiels par l’État qui, au regard du déroulement des faits, affiche une inhumanité effarante face à la mort de ces gens de la classe paysanne figurant parmi les plus pauvres du pays. C’est comme si les autorités entérinaient cette mise à mort comme un transfert des fonctions meurtrières de l’État à ces groupes terroristes qui trouvent terrain fertile à leurs exactions dans cette impunité sélective.

Cet énième massacre offre donc un regard nouveau sur la situation globale de la population haïtienne, en particulier, les plus vulnérables délaissés par l’État. En effet, la réouverture des classes dans des communes totalement contrôlées par les gangs armés, est annonciatrice de jours encore plus sombres.

Il ne fait plus aucun doute que l’État laisse les gouvernails à un anti-État érigé en parallèle pour servir des intérêts privés. Cette absence de perspective et de capacité à construire un bien-être commun, fait partie de cette brutalisation des rapports entre la population et ses élites, notamment ceux cantonnés au cœur des pouvoirs publics. L’assassinat de l’avenir collectif de cette génération qui n’a connu que la violence fait partie de ce projet déshumanisant visant à casser ce symbole que représente Haïti pour tous les opprimés du monde.

Le déploiement des « forces de l’ordre » après le carnage est anecdotique et montre clairement que la population ne peut plus compter sur la protection de l’État. Un État dirigé par des personnalités obnubilées par les privilèges que confère leur position et qui laisse les citoyens agonisés dans ces pièges mortifères dressés pour satisfaire leurs egos démesurés.

Ni l’argent de l’intelligence, ni les nouveaux matériels acquis par la police, encore moins la MMS annoncée en sauveur, n’ont suffi à éviter cette nuit sanglante. Le démantèlement de ce groupe terroriste devient dans ce contexte tendu, une nécessité pour redonner un semblant de crédibilité à l’État. Ce sera peut-être le début d’une nouvelle ère où les gouvernants vont enfin éviter les scandales à répétition pour offrir un moment de répit à la République.

Aujourd’hui, il semble que le droit du peuple haïtien d’avoir une existence stable et paisible soit conditionnée par les tenants du pouvoir et un international clairement de mauvaise foi dans son approche de la crise haïtienne. Les échecs successifs des missions de maintien de la paix montrent l’inefficacité de leurs actions et cette volonté manifeste de laisser Haïti au fond de cet abime construit sur mesure et avec la participation de certains compatriotes.

Jean Corvington
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