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Les dangers de la « trivialisation » du journalisme en Haïti

S’ajuster aux évolutions technologiques pour aller vers ses lecteurs, auditeurs, téléspectateurs s’impose comme une évidence. Cependant, il y a un glissement qu’il importe de signaler à un moment où des medias de la presse traditionnelle se laissent entrainer dans la course aux «clicks », à l’audience, au « buzz », au détriment de la rigueur dans le traitement de l’information.

Le déficit de compétence professionnelle, la paresse intellectuelle et la poursuite d’intérêts autres que ceux du public par des propriétaires et animateurs de certains « médias en ligne » et médias traditionnels constituent une menace pour la cohésion sociale et l’intérêt collectif dont il faut prendre toute la mesure.

Ce que l’on redoutait le plus est arrivé. La presse traditionnelle se met au service des réseaux et médias sociaux, pour devenir une simple caisse de résonance. Non seulement elle se conforme de plus en plus à leur mode de fonctionnement, des medias de la presse traditionnelle font des réseaux sociaux une source d’approvisionnement crédible. Ils citent fièrement les pages et les comptes twitter des institutions et personnalités publiques sans questionner, vérifier, ni contrebalancer.

Si l’information est disponible sur le compte d’un personnage public ou d’une institution étatique ou privée, elle est considérée comme vraie. Il faut donner acte. Mais il faut aller plus loin. La vérité est plurielle. Elle peut varier en fonction des perspectives, des intérêts et de certaines grilles d’analyse.

Il est aussi observé le choix de certains médias traditionnels d’incorporer dans leur grille de programmation des contenus conçus pour les réseaux. Un « live » à partir d’un quelconque réseau que ce soit, est, dans certains cas, très loin des exigences du journalisme pour que celui-ci soit potable, diffusable en l’état par un média classique.

Le média classique qui se respecte, se doit de veiller au respect des normes éthique et déontologique du journalisme, sans négliger au passage la ligne éditoriale de cette institution de presse.

Pourtant c’est la mode. Et dans la perception dominante des néophytes et non initiés du journalisme, est journaliste celui qui a une émission sur les réseaux et qui est libre d’allégations fantaisistes, de caricatures des faits, de pseudos analyses, de dire du bien ou du mal de qui il veut, au gré des circonstances, des intérêts à défendre. Sans balises, respect des règles, de la loi sur la presse, sur la diffamation dont les utilisateurs des réseaux sociaux se sont affranchis, l’anarchie a encore de beaux jours devant elle.

La presse traditionnelle haïtienne, vraisemblablement, n’a jamais pris du temps pour évaluer la réalité et les enjeux des médias sociaux. Un concurrent qui vaut ce qu’il vaut.

Mais de là à mettre l’espace médiatique classique au service de ces derniers sera préjudiciable tant pour les auditeurs, lecteurs et téléspectateurs qui ont droit à une information de qualité que pour les journalistes professionnels qui ont consenti d’énormes sacrifices pour effectuer leur travail avec sérieux et professionnalisme.

La paresse est criante dans le contenu proposé par certains médias traditionnels devenus caisses de résonnance des réseaux sociaux. On oublie une chose élémentaire par souci de remplissage, une nouvelle est nouvelle seulement quand elle est nouvelle. Elle doit répondre à des caractéristiques : il faut qu’elle soit actuelle, comporte un intérêt en fonction ou non du principe de proximité.

On peut revenir sur une information qui est déjà dans les médias, si et seulement si, il existe des faits nouveaux. Dans le cas contraire, il faut faire un rappel et non la présenter comme une nouvelle.

Par rapport à ce besoin d’avoir plus de rigueur, de sérieux et de crédit, il faut se demander pourquoi tant de rédactions réputées sérieuses chôment-elles le week end ? Avec ce déficit de mobilisation, due à un problème de management même des ressources humaines limitées et des difficultés économiques, comment concurrencer les médias sociaux qui diffusent, presqu’à la minute, une information ? Pourquoi, cette prédominance des réseaux et médias sociaux au détriment de la presse traditionnelle ? Quel est l’avenir du métier de journalisme en Haïti ? Comment, dans cette cacophonie amplifiée par les médias sociaux, propriétés dans beaucoup de cas de gens douteux ou piètres peut-on sauver l’information ?

Ces défis ne sont pas exclusifs à Haïti. Face à la cacophonie orchestrée, aux mensonges, aux faits alternatifs, à la « trivialisation » du journalisme, c’est le droit à l’information, faut-il ajouter vraie, qui est en danger. C’est la foi dans l’état de droit, dans la prédominance de l’intérêt collectif par rapport aux intérêts de cartel, dans le système démocratique, qui est en danger…

Jacky Marc

Jean Corvington