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Sortir Haïti de l’engrenage des petits calculs politiciens

Par Juno Jean Baptiste
Twitter : @junopappost

Au-delà des catastrophes en tout genre qui s’abattent sur Haïti, alimentant le mal-être et la détresse collective ambiants, notre pays vit une catastrophe politique et institutionnelle depuis au moins trois décennies. Cette double catastrophe est la principale source de nos maux.

L’irrespect des échéances constitutionnelles et l’absence d’organisation des élections à temps illustrent à merveille l’incapacité de toute une horde de dirigeants issus de tous les camps politiques confondus à orienter le pays vers des rives prometteuses, à le penser sur le temps long et à faire de la stabilité politique et de la croissance économique un «must» plus que tout autre chose.

D’Aristide à René Préval, de Préval à Jovenel Moïse en passant par Michel Martelly, pour arriver aujourd’hui à Ariel Henry, les petits calculs politiciens à courte vue ont toujours mené Haïti vers des impasses et abysses inextricables, se manifestant par le démantèlement des institutions démocratiques et la vassalisation de la justice, la perpétuelle crise de légitimité des élus et la crise de représentativité, la prospérité de l’économie criminelle et l’emprise des gangs sur le territoire national et, enfin, la pauvreté de masse et l’absence de politiques de création de richesse pour tous.

Pendant au moins 30 ans, les différents accords politiques, qui se sont confinés au partage du pouvoir (et quel pouvoir dans l’un des pays les plus pauvres du monde doté d’un budget ne dépassant pas les deux millards de dollars américains?), n’auront été généralement que d’habiles raccourcis pour retrouver l’aumône d’une fragile normalité démocratique – cassable aux moindres secousses politiques –, retarder les problèmes de fond de la société et leurs manifestations cycliques, et non pour sortir le pays de l’engrenage mortel des petits calculs politiciens.

Pendant au moins 30 ans, le pays aura été livré – et est encore livré – à des marrons comme dirigeants. Ces derniers, souvent aux bottes d’intérêts privés, internationaux et autres cartels, sont irréductiblement insensibles aux différents signaux sur l’intenabilité de notre société, reposant sur l’exclusion sociale, la paupérisation et l’abêtissement des plus faibles (la plus forte part de la population).

Ce qui les intéresse est la prise du pouvoir, les moyens de s’y maintenir ou de passer le maillet à un des leurs, les perspectives d’enrichissement rapide au détriment de l’intérêt collectif. Ça donne, à la fin, un pays disloqué au tissu social fracturé, lamentablement accroché à ses vieux démons, qui vit au jour le jour avec des crises répétitives, sans plan, sans rêve, sans horizon, sans grand projet développement. Sombre tableau d’un pays prisonnier des petits calculs politiciens à courte vue.

Il faut sortir Haïti de cet ordre mortifère et diabolique. Pas sur que l’arriération politique de ceux qui sont au pouvoir ou de ceux qui y aspirent puisse y aider. Et c’est là tout le drame. Le spectre d’un mal sans fin…

30 ans à faire la même chose et à espérer d’autres résultats, il faut être bête pour ne pas comprendre ni voir tout le mal qu’on fait au pays et à des générations entières d’Haïtiennes et d’Haïtiens. Il faut être bête pour ne pas penser à procéder enfin autrement.

Jean Corvington