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Editorial

Guy Philippe, cet anti-héros qui divise !

Cette semaine, plus que d’autres, un dossier retient particulièrement l’attention dans les espaces discursifs. Guy Philippe ! Peut-il être candidat ? Doit-il être jugé en Haïti. Les sujets à débat sont légion, autour de ce personnage qui divise. Suite à sa libération de son geôle aux USA, l’ancien membre des FAD’H et de la Police Nationale d’Haïti tente de se camper comme un libérateur, un héros providentiel qui détient les secrets du démantèlement des gangs armés qui pourrissent l’existence de la population.

Pourtant, Guy Philippe coche toutes les cases d’un anti-héros qui devait être jeté aux oubliettes. Spécialiste en blanchiment des avoirs, un crime transnational, dealer de drogue, un titre qu’il n’a pas revendiqué, le passé du chef de l’armée révolutionnaire du Nord qui a renversé Jean Bertrand Aristide au pouvoir en 2004 est sombre. De plus, il n’a jamais hésité à tout faire pour satisfaire ses intérêts personnels.

Avec son arrogance et un discours pompeux qui frise l’indécence, Guy Philippe n’a jamais reculé quand il fallait se mettre sous les projecteurs et de clamer sa bravoure. Populiste émérite, il arrive, dans une Haïti en panne d’alternative, et engluée dans une spirale infinie de violence aveugle, à se faire accepter par une frange de la population comme celui qui peut faire avancer les choses.

Comme pour tout anti héros, on a souvent tendance à se mettre de son côté. Son comportement subversif, son arrogance et, à bien des égards, son immoralité politique, tranche avec la réalité et le font paraitre comme un anti système. Cette posture, dans le contexte haïtien, où les structures sociales sont en lambeau, facilite cette frénésie pour ce personnage qui, au fait, n’est que le reflet de cette monstruosité qu’est devenue Haïti.

Face à ce peuple traumatisé accouché par la situation délétère du pays et cette crise chronique d’après 1986, la déraison a forcément une silhouette raisonnable tant qu’elle entretient un espoir factice que le changement est possible pour juguler cet ensauvagement provoqué de la société haïtienne. Fils de la déconstruction, Guy Philippe a toujours su jouer sur les contradictions entre les groupes dominants, pour s’ériger comme alternative au mal être haïtien.

Révolutionnaire bâtard, M. Philippe, dans cet État séquestré est adulé non pas par méconnaissance de ses exactions et de son passé criminel, mais par nécessité. Cette couverture lui a longtemps permis de masquer ses dérives et ses activités délinquantes. Mais en 2023, beaucoup de choses ont changé. Et ce mauvais emballage ne suffit plus à dissimiler le jeu obscure du personnage. Haïti, dans sa chute, est campée comme une société de souffrance qui tente de s’accrocher à la moindre lueur d’espoir.

Guy Philippe, dans cet univers de désespérance, a toujours tenté d’incarner ce justicier de proximité qui vit et qui comprend la souffrance du peuple qu’il veut défendre. Toutefois, dans ce cas précis, ce n’est pas tant de changer les conditions de ce peuple meurtri qui l’intéresse, mais de profiter du chaos pour alimenter son entreprise criminelle. C’est donc une super-délinquance, mis à nu par ses aveux de culpabilité aux USA, qui, aujourd’hui est débattue dans les espaces publics.

Dans son éclectisme de la violence, Guy Philippe se vante de disposer de tous les coups. Jusqu’ici, cette capacité à discourir sur le sujet n’a pas rendu grand service à la population, sinon le pullulement des gangs à travers tout le pays, en particulier dans le Grand Sud.

Si les textes de loi l’exclus déjà de toute compétition électorale, l’effondrement de la société pourrait offrir une occasion de le réhabiliter, quand bien même il aurait contribué à cet effondrement. Les agitations autour de l’avenir de Guy Philippe ne sont donc pas neutres, elles sont annonciatrices de jours plus sombres encore, si nous n’arrêtons pas avec ces pratiques suicidaires de construire de mauvais modèles pour mobiliser la nation et construire l’avenir.

Jean Corvington