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Editorial

Haïti-Corruption : Carl Braun pris au piège, inquiétude dans les rangs des banquiers !

Malgré les châteaux construits dans les hauteurs de Port-au-Prince, les villas luxueuses en bord de mer dont ils ne peuvent plus jouir du confort, force est de constater que certaines personnalités de l’élite économique du pays, ne sont pas des saints. Et seraient à la limite peu fréquentable, tant ils ont contribué à l’avènement de cet empire du chaos qui règne en Haïti. Carl Braun, l’un des fondateurs du système bancaire haïtien après 1986, vient confirmer cette méfiance grandissante des masses agonisantes à l’égard des nantis.
 
Accusés de corruption et de financement de gangs, M. Braun qui était présenté comme un Mister Clean, un intouchable du système bancaire haïtien, tombe de haut. Bien que ces accusations aient été démenties par l’intéressé lui-même, elles correspondent pourtant à ce qui se pratique régulièrement dans le système bancaire national, plusieurs fois rappelé à l’ordre par les instances de contrôle international. Le silence de sa banque, dont d’autres membres du Conseil d’administration sont dans le collimateur des USA et du Canada, inquiète la clientèle. 
 
Il est pénible de constater qu’il existe une totale dissociation entre Haïti et son système bancaire qui sert des intérêts autres que ceux de la population. Les discours assimilant les banques haïtiennes à des espaces de blanchiment de capitaux, ne sont pas nouveaux. De plus, les sanctions répétées de la BRH vont toutes dans ce sens, afin d’essayer de conformer ces institutions financières aux règlements nationaux et internationaux. Là où le bât blesse, c’est que M. Braun n’est pas seulement un haut cadre de la Banque étoilée, il est également membre fondateur de plusieurs autres banques de la place. Avec ces sanctions, le Canada remet donc en question l’intégrité même du système bancaire haïtien, ainsi que celle de l’un de ses pères fondateurs les plus illustres.
 
Si la défense de M. Braun parait légère par rapport aux éventuelles conséquences des sanctions, tant pour lui que pour la UNIBANK, c’est peut-être parce qu’il est convaincu que grâce à l’instrumentalisation des dirigeants politiques dans l’utilisation de l’appareil d’État, comme le souligne Ronald Hope Kempe, la personnalisation du pouvoir politique, qui est en réalité contrôlé par les possédants, légitime ses actions quand bien même elles seraient illicites. Dans cette architecture de pouvoir, où la mainmise de l’économie sur la politique est consacrée, Haïti devient une usine de fabrication d’intouchables.
 
Selon l’analyse de Kempe, ces évolutions permettent de comprendre que les élites politiques, tributaires de leur accès au pouvoir politique pour maintenir leur position, agissent dans le but de garantir le maintien de l’ordre politique en place. Un ordre corrompu, contrôlé, comme mentionné précédemment, par les plus riches. Cependant, la corruption étant transfrontalière dans le monde globalisé, elle permet à d’autres États mieux structurés d’intervenir.
 
A cet égard, il est important de rappeler le scandale de corruption à la FIFA en 2015, où les États-Unis, en chef de file, ont mené une enquête pour mettre fin aux actions de Joseph Blatter et Michel Platini, accusés de corruption dans l’attribution de la coupe du monde de 2022 au Qatar. Ainsi, le parti pris élitiste dont pourrait bénéficier M. Braun au niveau national se heurte à la mondialisation et au système financier international prônant un tel systémisme.
 
Bien que cette croisade anti-corruption lancée en Haïti par les deux grands voisins de l’Amérique du Nord n’inspire pas confiance aux sceptiques, elle est néanmoins utile. Ces derniers y voient une autre manœuvre visant à contrôler le pays et de renouveler les élites politiques et économiques que les USA et le Canada ont eux-mêmes fabriqué, ils n’ont pas tort. Les récents événements les confortent dans cette position.
 
Cependant, dans cet océan de désespoir, où les attentes de la population ont pris des proportions extraordinairement élevées tant la corruption est imposante, ces petites actions laissent entrevoir une lueur d’espoir. Ce qui est fascinant dans cette approche, c’est que ceux qui se croyaient jusqu’ici à l’abri se retrouvent pris au piège de leurs jeux avec l’occident ou plongés dans l’inquiétude, car les listes de personnes sanctionnées se multiplient et ils pourraient y figurer à tout moment.

Jean Corvington