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Économie

La sécurité alimentaire et la résilience dans le contexte des crises prolongées

Le dernier rapport conjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), du Fonds international de développement agricole (FIDA), de l’Organisation panaméricaine de la santé/Organisation mondiale de la santé (OPS/OMS), du Programme alimentaire mondial (PAM) et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) intitulé  « Aperçu régional de la sécurité alimentaire et de la nutrition en Amérique latine et aux Caraïbes », publié en janvier 2023, révèle qu’en 2020 dans toute la région, 131 millions de personnes ne pouvaient pas se permettre une alimentation saine.De plus, l’Amérique Latine et les Caraïbes ont été identifiées comme les régions où l’accès à une alimentation de qualité est le plus cher. En effet, la région enregistre non seulement des niveaux élevés d’inégalité, mais présentent également le coût le plus élevé pour une alimentation saine.

Un grand nombre de personnes touchées par la faim dans les Caraïbes vivent en Haïti. Durant la période entre 2019 et 2021, près de la moitié de la population haïtienne (47,2 pour cent) – environ 5,4 millions de personnes – étaient sous-alimentées. Par comparaison, la prévalence de la sous-alimentation était d’environ 7 pour cent en Dominique, en République dominicaine, en Jamaïque, Saint-Vincent-et-les Grenadines et Trinité-et-Tobago. Selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, publié en mars 2023, par la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) « 4,9 millions de personnes sont en insécurité alimentaire aigüe et nécessitent urgemment une assistance humanitaire pour la période de mars à juin 2023 ». Cette situation a pour causes principales : la flambée des prix liée à la forte volatilité de la gourde par rapport au dollar américain ; l’expansion de la violence des gangs qui paralyse de plus en plus les activités économiques dans l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince, dans la péninsule Sud, et dans une bonne partie du Grand Nord ; les faibles performances des campagnes agricoles d’automne et d’hiver 2022 ; la résurgence de l’épidémie du choléra ; la rémanence des effets du tremblement de terre du 14 août 2021 dans le Grand Sud ; et la baisse de l’aide humanitaire.

Pour rappel, la sécurité alimentaire existe lorsque « tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active” (définition de la FAO, 1996).Cette définition regroupe quatre piliers essentiels à la sécurité alimentaire :la disponibilité physique des aliments ; l’accès économique et physique aux aliments ; l’utilisation des aliments ; et la stabilité des trois autres dimensions dans le temps.

Lorsque les quatre piliers de la sécurité alimentaire ne sont pas atteints, comme c’est de plus en plus observé en Haiti, lorsqu’il  existe :« un environnement dans lequel une part importante de la population court de graves risques de mort et de maladie et peut voir ses moyens d’existence bouleversés, sur une période prolongée».[1] on peut parler de « crises prolongées [DP(1] [CEP2] ». Ces dernières sont également caractérisées par les conflits, l’insécurité, les chocs économiques mondiaux et nationaux et les phénomènes météorologiques extrêmes qui se produisent de façon récurrente.

Selon le Cadre global d’action pour la sécurité alimentaire[2] lors des crises prolongées, il est observé une : « surexploitation des capacités et des ressources locales, nationales et internationales, ces situations   requièrent des politiques et des mesures plus efficaces et efficientes qui prennent en compte les trois dimensions du développement durable, à savoir : économique ; sociale ; et environnementale ». Les crises prolongées, en raison précisément de leur durée, peuvent mener à l’affaiblissement ou à l’effondrement de beaucoup des institutions et des régimes d’aide qui constituent le fondement de la société. Ceci exacerbe les conflits entre les différents segments de la société, aggravant encore la crise. Les rapports de force au sein du ménage peuvent également influencer l’accès des femmes et des filles à la nourriture, avec des effets collatéraux négatifs.

Une réponse efficiente aux crises prolongées nécessite des programmes d’accompagnement stratégique et d’aide au développement cohérents, adaptés au contexte, bien coordonnés et menés en étroite collaboration avec les autorités gouvernementales afin de sauver des vies, renforcer la résilience et réunir, lorsque cela est possible,  les conditions du développement. Autrement dit, dans le cas d’Haiti, il est crucial de mettre en œuvre des actions basées sur l’approche Nexus qui permet de fournir en même temps, des réponses humanitaires, de relèvement et de développement en vue de contribuer à l’amélioration durable de la vie des populations ciblées.

L’aide humanitaire répond aux besoins urgents, sauve des vies, allège les souffrances et préserve et protège la dignité humaine. En ce qui concerne le secteur de la sécurité alimentaire, la première réponse est l’assistance alimentaire couplée à l’assistance aux moyens d’existence d’urgence. Ces deux composantes sont aussi indispensables l’une que l’autre. Ainsi, en Haiti, la FAO contribue à la réponse humanitaire en fournissant une aide agricole d’urgence aux ménages en insécurité alimentaire sévère (fourniture d’outils, de boutures, de semences de bétail), qui permet aux producteurs de restaurer leurs moyens d’existence. Toutefois, ces activités essentielles restent insuffisamment soutenues. Il est crucial que le déséquilibre entre assistance alimentaire et la restauration des moyens d’existence en situation d’urgence soit atténué afin de sortir les ménages en insécurité alimentaire de la dépendance alimentaire et d’une grande vulnérabilité, et qu’ils retrouvent leur dignité dans un travail décent.

En même temps, de concert avec le Ministère de l’agriculture, des ressources naturelles et du développement rural (MARNDR), la FAO améliore la résilience des petits producteurs en renforçant leurs capacités techniques et managériales et en les intégrant dans des chaines de valeur agricoles porteuses.  Ainsi, comme premier maillon de la chaine de valeur agricole, l’accès aux intrants de qualité est une étape clé. Depuis de nombreuses années, la FAO et le MARNDR soutiennent les Groupements de production artisanale de semences (GPAS), dont bon nombre continuent leurs activités de production de semences de qualité sans aucune aide extérieure et malgré les désastres qui ont pu survenir.

Je voudrais attirer à nouveau l’attention de toutes et de tous sur l’importance d’agir maintenant et soutenir ces approches intégrées.


Quels sont les pays confrontés à une crise prolongée et pourquoi méritent-ils une attention particulière? https://bit.ly/401g4Ug

Le Cadre d’action pour la sécurité alimentaire et la nutrition lors des crises prolongées (CSA-CDA) a pour objectif d’améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition des populations touchées par des crises prolongées, ou qui risquent de l’être, en traitant les principaux symptômes et en renforçant la résilience, en facilitant l’adaptation à des difficultés particulières et en contribuant à éliminer les causes sous-jacentes. Le CSA-CDA est le fruit d’un processus consultatif ouvert, avec notamment des discussions par voie électronique sur les principaux points. En outre, une consultation mondiale s’est déroulée à Addis-Abeba en avril 2014. Ont participé aux consultations des représentants de pays, d’institutions du système des Nations Unies, d’organisations de la société civile, d’organisations non gouvernementales, d’institutions internationales de recherche agronomique, d’associations du secteur privé, de fondations philanthropiques privées et d’institutions financières internationales et régionales.


Jean Corvington