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De la nécessité de réformer la presse

La plupart des journalistes en Haïti ne font partie d’aucun syndicat et n’obéissent à aucun code déontologique. Ils fixent les règles auxquelles ils obéissent et ne sont soumis à aucune contrainte externe. Le journaliste dans cet univers de non-droit qui se revendique « directeur d’opinions » fixe ses propres règles, et bien souvent, est plus puissant que le média dans lequel il exerce, ne serait-ce qu’en se référant à la popularité comme critère. Une situation qui leur procure une un régime spécial de parole sans crainte de sanction et de censure.

Le démantèlement de l’État et l’absence de règlementation hormis deux décrets déphasés, celui créant le CONATEL en 1979 et celui pris par le président militaire, le général Henry Namphy en 1987, consolide ce désordre médiatique, tout en favorisant la violation des fondamentaux du journalisme. La contamination des faits journalistiques est une manifestation de ces dérives. Les saupoudrages faits de pseudo objectivité et d’équilibre feint ne sont que des écrans de fumée qui n’arrivent plus à dissimuler, ce mal grandissant qu’est la corruption métastasée à travers la presse haïtienne. Les discours aux habillages vertueux s’opposent à la pratique tout en laissant apparaitre cet assujettissement de la presse à la politique et à l’économique dans une plus large mesure.

Aujourd’hui, la plus grande menace à la liberté de la presse, n’est plus les baïonnettes, mais le marché et la corruption qui en découle, dont les politiques se font les plus fervents défenseurs. La légitimité professionnelle qui traduit le consentement de la société au travail du journaliste, dans un tel contexte s’effrite à un point tel que les consommateurs d’information se tournent vers d’autres sources réputées moins crédibles, comme les réseaux sociaux, pour s’informer.

Cette situation a également favorisé l’explosion d‘une nouvelle forme de journalisme, le journalisme citoyen, avec toutes ses conséquences néfastes, vu qu’il n’existe quasiment aucune règlementation sur le numérique en Haïti. Il n y a aucune démarcation entre le journaliste et la foule des communicateurs. Au contraire, le journaliste s’abaisse au niveau du communicateur non spécialisé qui vend par l’information ou la désinformation, en oubliant son devoir d’informer la société qui est au final l’essence même de sa mission appelée à servir l’intérêt général.

Le poids des patrons de média constitue encore un autre obstacle majeur à la bonne pratique du journalisme, obligeant le professionnel de l’information à s’aligner sur sa position, une position souvent déterminée par son statut d’entrepreneur. Le journaliste devenu flagorneur emphatique s’éloigne de plus en plus des règles déontologiques et de la morale publique qui devaient le différencier des communicateurs particuliers et sensationnalistes, chasseurs de «like» et de « followers ». Des règles qui pourtant lui permettent d’obtenir cette légitimité de rechercher les informations et d’interroger au nom de ses lecteurs, de son auditoire et ses téléspectateurs.

Les dérives au sein de la presse accélèrent le délitement de la sphère médiatique colonisée par des travailleurs non-initiés à la pratique du métier. Le journaliste devient une menace pour lui-même et pour le journalisme. Comédiens, citoyens au niveau de formation douteuse et précaire rabaissent et font du journalisme un métier facile et du journaliste un professionnel non essentiel, non indispensable, surtout en ces temps de prépondérance de l’image sur le mot, le logos. Les patrons ne s’en privent plus dans cet univers de non-droit et du tout est permis, d’interchanger les rôles en faisant du journaliste un amuseur d’audimat alors que le sérieux du métier de journaliste est confié aux comédiens, humoristes et autres qui banalisent et contaminent l’opinion avec toute sorte d’informations, de réflexions non essentielles et pervers.

LEPS le MAGnifik

Lionel Edouard
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